SNCB 2014 : le retour à deux entités distinctes
Constats
On se rappellera que le motif principal de la scission en trois entités consistait à se mettre en ordre vis-à-vis des directives européennes et à stabiliser la dette de l’ancienne SNCB. Or un rapport d’octobre 2008 de la Cour des Comptes constate que concernant « la problématique de la dette historique (…) aucun pas décisif n’a toutefois été franchi (…) dans ce dossier dans le sens d’un respect de la réglementation européenne ». Il n’est plus fait mystère non plus que les flux financiers, les facturations intra-groupe, le périmètre des activités des 3 sociétés mères et de leurs 114 filiales, ainsi que la collaboration entre les entités sont des éléments qui ne donnent pas suffisamment de garantie pour maîtriser l’endettement du groupe SNCB. Au cours de la période 2008-2011 (couverte par les deuxièmes contrats de gestion), la dette financière nette consolidée a continué à croître pour atteindre 3.072,0 millions €. La dette financière nette consolidée a donc augmenté de 49,28% entre 2005 et 2011.
A ces questions d’argent de l’Etat s’ajoutent les problèmes sur le terrain déjà cités aux pages précédentes. On y décèle entre autre la complexité des relations intragroupe, les surcoûts et le manque de transparence qui y sont liés, la qualité de service offerte aux clients et en externe, les changements de la Commission Européenne induits par le projet RECAST de la Directive 91/440. Surtout, les fameuses SLA entre filiales (Service Level Agrement) n’ont pas donné la souplesse requise, que du contraire. Des litiges ont subsisté entre les sociétés mères concernant la qualité des prestations fournies, la transparence du calcul des prix dans le cadre de ces SLA et les marges intragroupe appliquées, occasionnant des retards de facturation et de paiement.
Souhaits politiques
L’accord de gouvernement Di Rupo du 1er décembre 2011 le rappelait clairement à la page 151 : « Suite à une évaluation organisationnelle et une étude par la Cour des Comptes des flux financiers au sein et entre toutes les entités et filiales du Groupe (ndlr SNCB), une restructuration du Groupe, avec une diminution de ces entités sera mise en œuvre afin de mieux répondre aux besoins des voyageurs et d’assurer une gestion plus cohérente tout en réalisant des économies d’échelle La nouvelle organisation du Groupe SNCB devra aussi créer davantage de cohérence et de transparence en ce qui concerne l’organisation des filiales, les missions qui leur sont dévolues, les flux financiers et l’utilisation des dotations. Enfin, la répartition de ces dotations, sera revue en fonction de la nouvelle organisation. Dans un délai de 6 mois, le Gouvernement formulera un schéma de restructuration ».
Frédéric de Kemmeter
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Scénarios envisagés
C’est donc lors du « kern » du 15 juin 2012 qu’apparut la décision gouvernementale de réorganiser le groupe tricéphale SNCB, sur base des conclusions reprises dans le projet de rapport de la Cour des Comptes, des rapports des auditions de la Commission Infrastructure de la Chambre des Représentants et d’autres sources d’informations telles que le rapport Roland Berger et le rapport de la BNB. Le point n°2.3.3 est sans ambigüité concernant la dette : « la problématique de la gestion de la dette repose sur le principe de non transfert de la dette du groupe SNCB vers l’Etat ». Soit l’exact contraire de ce que fit l’Allemagne en 1994, dans d’autres circonstances il est vrai… Deux scénarios sont mis sur la table : la première solution est une structure « en râteau » reprenant l’idée d’une holding supervisant six entités, dont SNCB, Infrabel, B-Logistics,…
Une structure qui se rapproche du modèle allemand dont la Commission n’est pas enchantée du fait des interactions internes. La seconde solution est un modèle à deux entités, SNCB Transport et Infrabel, liquidant la fonction de B-Holding. Le sulfureux volet du personnel statutaire est réglé par la création d’une entité « HR Rail », un employeur unique créé avec le concours de l’Etat. On se rapproche là du modèle allemand puisqu'outre-Rhin c'est le BEV qui est chargé de placer une réserve de statutaires au sein de la DB.
Décision finale
La préférence pour le modèle à deux entités était d’emblée affichée dans le document du kern qui argumentait que « (ce) modèle (…) permet de répondre plus adéquatement et plus rapidement aux exigences du Gouvernement, de la clientèle et de la Commission Européenne, tout en maintenant le statut du cheminot et le fonctionnement de la Commission Paritaire Nationale ». Le périmètre respectif de chacune des deux entités a fait l’objet d’âpres négociations en coulisse. Comme indiqué en pages précédentes, la montée en puissance d’Infrabel faisait peur : elle ravalait la SNCB au rôle de sim-ple transporteur déficitaire. Pour calmer le jeu, il fut décidé de verser les gares et le populaire «Railtime» vers le transporteur national, afin que ce dernier ait la possibilité d’en tirer quelques revenus complémentaires.