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Demain vers un monde nouveau   >  Évolutions des pratiques sociétales
Demain
L'auteur
Frédéric de Kemmeter 
Train & signalisation - Obser-vateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités complexes de manière transversale

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Que vient faire un thème de société dans un espace consacré au chemin de fer ? Mauvaise question ! L'impact sociétal est essentiel. Le rail, comme tout mode de transport, c'est avant tout un usage, une expérience temporaire. Le train, c'est le thème du voyage et, pour ceux qui l'empruntent quotidiennement, c'est celui du déplacement. Mais comme nous vivons en démocratie, le train fait aussi partie d'un vaste choix modal. Il doit donc démontrer toute sa pertinence pour se faire une place au milieu d'autres choix que sont l'automobile et l'aviation. 

Quel impact avec les nouvelles énergies ?
L'impact est avant tout sociétal. En 2020, le thème des énergies nouvelles est très fort mais jusqu'ici, bien rares sont les personnes qui refuseraient l'avion ou l'automobile en raison de l'impact de leur pollution. Le public adhère en revanche sur d'autres thématiques que nous développons plus bas. La société ne tolère plus la pollution et les excès de la mondialisation. L'impact est surtout très important en milieu urbain, où de nouvelles mobilités apparaissent.

Quel impact avec le numérique ?
Là, c'est tout autre chose. L'avènement de l'Internet, d'abord, suivi rapidement de celui du smartphone, a totalement changé la manière d'appréhender le monde. On ne s'informe plus via des spécialistes du voyage comme jadis, mais via l'immense internet mondial, via les forums, les avis, les photos, les conseils des uns et des autres. L'environnement numérique a permis ce qui était impensable dans les années 90 : la comparaison des prix et des services en direct. Il a aussi permis de se constituer son petit monde à soi. Oui, l'impact du numérique, où tous les choix se déclinent sur un petit écran, a pénétré le monde ferroviaire qui ne peut plus se réfugier derrière son opacité de jadis.

Voyons maintenant en résumé les changements sociétaux qui ont un impact direct sur le chemin de fer : 

>  Le travail

Constats: 
> Une diminution des heures travaillées au fil des décen-nies, liée à davantage de jours de congés, comme les congés éducation et d'autres formules. Les travailleurs optent pour diverses formes de travail en 4/5, en un jour ou deux demi-jours par semaine, voire à mi-temps.

Impact sur le rail : 
> Un étalement de plus en plus prononcé des heures de pointe, surtout en milieu urbain; des creux et des pleins moins nets que jadis. Certains jours de semaine sont plus encombrés que d'autres. Parfois il faut renforcer les trafics, par exemple sur l'heure de midi, ce qui a un coût.


> Bien qu'il faille être prudent quant à leur interprétation sociétale, de nouveaux usages, comme le télétravail, se développent grâce aux possibilités nées des nouvelles technologies. Avec internet, le lieu de travail dans sa forme la plus incompressible est désormais l’ordinateur portable, voire le smartphone. Mais pas encore pour tout le monde, loin s'en faut. Le phénomène était en 2020 encore marginal et principalement urbain.

> Il est encore trop tôt pour prédire l'impact réel de ce nouveau mode de vie sur les flux ferroviaires. En 2020, on en était toujours au bon vieux "métro-boulot-dodo", avec ses heures plus chargées que d'autres. En revanche, cette nouvelle manière de travailler provoque une forte demande en wifi et en services personnalisés à bord (siège individuel, classes "silence" ou "zen" avec café,...). On voit aussi éclore des espaces de travail dans les gares.

>  Les voyages d'affaires
Constats: 
> On a cru un moment que l'internet permettrait de ne plus devoir systématiquement arpenter le monde et passer sa vie dans les avions ou les TGV. Il n'en est rien ! Le voyage d'affaires apparaît clairement comme un facteur de réussite personnelle et permettrait, pour beaucoup, de booster leur entreprise. Les voyageurs d'affaires estiment qu'en découvrant de nouvelles cultures et d'autres destinations, ils ajoutent de la valeur ajoutée à leur travail et leur culture managériale. Nous parlerons plus loin de ce thème avec la globalisation des idées.

Impact sur le rail : 
> Le train a encore beaucoup de mal de se défaire de son image de 'transport des masses laborieuses'. Il y eut la tentative Trans-Europ-Express pour faire revenir la clientèle d'affaire. De nos jours, il y a la clientèle de proximité bénéficiant de tarifs sociaux et réclamant le train sans chichi. En face, la clientèle d'affaire réclame du service, de la qualité, de l'abondance et de la flexibilité dans la billeterie. Le TGV a pu récupérer une partie de la clientèle aérienne autour des 500km. L'expérience client devient la nouvelle arme du marketing contemporain.

>  Manger à toute heure
Constats: 
> L'heure de table est encore prépondérante. Mais on peut déjeûner à 14h et parfois sur le pouce. Les sandwichs et plats à emporter sont devenus la norme. Cela a donné lieu d'un côté à des spécialisations et de l'autre, à une offre extrêmement diversifiée : en entreprise, dans les quartiers mais aussi dans nos gares et aéroports. Les gares, autrefois peu réputées, deviennent de nos jours des éléments du quartier, où l'on fait ses courses...

Impact sur le rail : 
> Dans beaucoup de trains, la bonne vieille voiture restaurant a fait place au bistro. Sinon le sandwich à emporter et le fait que beaucoup mangent avant ou après leur déplacement, incite au service à bord à minima. Côté fret, manger à toute heure implique une logistique qui alimente des destinataires multiples et variés (frais, secs,...). Plus intégrées, les gares proposent une offre diversifiée et de qualité pour le voyageur de passage.

>  Diversité des loisirs
Constats: 
> Si les grands congés et les vacances évoluent peu dans le calendrier au fil des ans, on prend davantage de petits congés tout au long de l'année. L'escapade de 3-4 jours est devenu une mode, parfois proche de chez soi, parfois bien loin du domicile. Le prix et la qualité du transport et de la destination sont primordiaux dans le choix modal

Impact sur le rail : 
> Les grandes transhumances estivales et hivernales demeurent, ce qui impose des trains supplémen-taires. Mais certaines relations restent mieux remplies tout au long de l'année. En revanche, les voyages proches se font en voiture et les lointains en avion. Le train ne peut survivre qu'avec un excellent rapport qualité/prix.

> Outre les activités à domicile, le segment loisir comporte de nombreuses activités dans un rayon proche de chez soi, et ce à toute heure. On opte parfois, selon les jours, pour une ou plusieurs activités dont la synchronisation nécessite un transport mécanisé rapide et individuel. La valorisation des loisirs augmentera encore dans les années à venir, provoquant davantage de déplacements.

> Le train et les transports publics sont très mal armés sur le segment de la synchronisation des moments de loisirs, car la mission de service public est de répondre à toutes les situations et tous les rythmes de vie, ce qui favorise l'adoption du plus petit dénominateur commun. Pour pallier à cela, de nouvelles formes de déplacements mécanisés individuels se répandent en milieu urbain...

>  Sensibilité aux enjeux écologiques
Constats: 
> Un thème ultra-médiatisé, qu'il y a lieu de temporiser. Certes, l'actuelle génération, dont le cadre de vie aurait été sacrifié par des 'baby boomers consommateurs à outrance', aurait développé une conscience aigüe de l’importance de la lutte contre le changement climatique, conviction qui se refléterait dans une consommation et des usages plus réfléchis. On pourrait alors se demander comment l'aviation low-cost, le covoiturage et les VTC genre Uber ont pris un tel essor depuis les années 2000, embarquant avec elle une clientèle de millennials, réputée plus sensible aux thèses du développement durable. En dehors de quelques cercles militants, l'adoption de gestes écologiques dépend de nombreux facteurs, à commencer par l'épaisseur du portefeuille et le style de vie privée...

Impact sur le rail : 
> Avec l'écologie soumise à toutes les sauces, le train est soudainement devenu le remède à tous les problèmes ! Or le réseau ferré ne va pas partout. La (re)construction de nouvelles voies et gares est elle-même soumise à la critique environnementale (déboisement, terres agri-coles en moins, reconfiguration de quartiers,...). Si le rail est ainsi au devant de la scène, il y a loin de la coupe aux lèvres. La fourniture d'énergie électrique varie d'un pays à l'autres (nucléaire, charbon, gaz,...). On cherche donc  à stocker davantage, et peut-être un jour à se passer de caténaire. Dans les entreprises ferroviaires, l'écologie est plutôt un enjeu de marketing, mais de multiples gestes comme le tri des déchets ou la sécurité du personnel sont devenus des normes incontournables...

>  Le prix des choses et de la propriété
Constats: 
> Découlant du thème précédent, les nouvelles géné-rations seraient détachées de l’idée de propriété, im-prégnés de valeurs de partage, n’aspireraient plus à ac-quérir leur propre logement ni détenir un permis de con-duire. Du coup, on s'oriente davantage vers l'autopartage et des formes diverses de covoiturage. On n'est plus le propriétaire d'un véhicule mais usager de plusieurs véhi-cules. Il en serait de même avec les logements et d'autres espaces de coworking. Tout cela est encore relativement marginal, et contesté même par certaines études du terrain. Le sens de la propriété n'aurait pas autant disparu qu'on ne veuille le faire croire. Les générations actuelles veulent en revanche une accessibilité à tous lieux sans chichis, par le biais d'une pluralité de transports les moins chers possible et à toute heure, sans attente. Les trajets courts sont de plus en plus effectués par de nouveaux engins : trotinettes électriques, gyropodes, monocycles.

Impact sur le rail : 
> De partout à partout, à toute heure du jour et de la nuit. Un sacré défi qui ne peut pas être rencontré par les seuls transports publics, dont on a vu plus haut qu'ils doivent répondre au plus petit dénominateur commun pour rencontrer un maximum d'usagers/contribuables. Du coup, la mobilité est encore reportée sur l'automobile et d'autres formes de transport individuel, avec diverses réponses aux sensibilités écologiques au travers de l'énergie électrique et de la voiture autonome, reléguant les transports publics au rang des technologies dépassées. Les évolutions du terrain montrent qu'il n'y a pas de désamour à l'automobile comme trop souvent évoqué, mais un accès plus tardif, ce qui n'arrangera pas le secteur ferroviaire. Le train peut bénéficier de l'engouement des transports publics grâce à un nouvel environnement législatif sur le choix de l'opé-rateur TP, ainsi que par la transformation de grands grou-pes en entreprises de mobilité plurielle (SNCF, DB,...)

>  La culture du choix : individualisation et immédiateté
Impact sur le rail : 
> Le besoin de s'identifier plutôt que de se confondre dans la masse est réel. Les ÖBB ont mis au point une cou-chette individuelle, qui rompt avec le compartiment collectif de notre enfance. Le voyageur d'aujourd'hui veut une offre sur mesure, dans les limites du transport et de sa sécurité. L'expérience client permet de mieux faire passer le voyage, produisant des services inconnus jadis. Le vélo, sacralisé, embarque plus facilement en train tandis que wifi et prises de courant pour mobiles devien-nent la norme à bord, chacun restant dans son monde.

Constats: 
> C'est une tendance lourde. Bien loin du retour au collec-tif et à l'utopie de la frugalité, les générations d'aujourd'hui puisent leurs valeurs dans le stock disponible légué par l'environnement familial, l'environnement culturel ou la société dans laquelle elle passa son enfance. Parler d'individualisation ne doit pas être confondu avec l'indi-vidualisme. L'individualisation correspond à une culture du choix, chacun affirmant son autonomie, sa capacité d'orienter son action sans être contrôlé et contraint. Cela a une conséquence majeure sur le retailing

Impact sur le rail : 
> Autrefois attribués en monopole aux chemins de fer, les petits colis ont déserté le rail dès la fin des années 80. Leur logistique de plus en plus complexe n'était manifestement plus à la portée du métier de cheminot. Ce sont de très gros intégrateurs qui ont pris le relais et qui, bénéficiant de ressources abondantes, ont pu mettre en place une organisation physique très coûteuse mais rentable à moyen terme. Le personnel utilisé, souvent peu qualifié, dont le turnover est important, n'a aucun rapport avec le contexte cheminots. Ce sont souvent des emplois intérimaires. Le rail a clairement perdu la bataille de l'e-commerce, sauf à vouloir en refaire un business...

Constats: 
> La culture du choix a aussi eu une conséquence peu visible du citoyen : la logistique des derniers kilomè-tres. Á l'heure du commerce électronique et des géants comme Amazon, on n'avait pas anticipé la croissance exponentielle des entrepôts (qui mangent des kilomètres carré de surfaces agricoles), ni celle du trafic induit, gé-néralement par de petits camions ou camionettes. La croissance de l’e-commerce a amené les entreprises de distribution à livrer des milliers de colis aux domiciles des consommateurs. Et pas seulement en 3 jours : certains services vous permettent d'être livré dans la journée, multipliant encore un peu plus les flux routiers...

>  Globalisation de la pensée
Constats: 
> C'est une autre tendance lourde. Elle fait réagir le corps politique et le petit monde des sciences-sociales. Il ne s'agit pas ici d'endoctrinement, mais plutôt du voyage hors de son environnement. Avantages : on découvre d'autres manières de vivre, d'autres façons de faire du transport pu-blic et du transport tout court. On découvre aussi d'autres cultures managériales et d'autres idées pertinentes. Forcé-ment cela ne plaît pas partout, d'autant que la pensée anglo-saxonne essaime dans le monde entier.

Impact sur le rail : 
> Il fût tardif ! Soyons cinique : le rail est le produit du Key-nesianisme, des Trente Glorieuses et de l'économie planifiée. Il traîna cette culture bien au-delà des années 90, se mettant en retrait des grands bouleversements que subissaient le transport terrestre européen. La mise à la retraite massive des cheminots des années 70 a permit leur remplacement par de nouvelles têtes plus jeunes, avec de nouvelles idées politiques et des organigrammes d'entreprises plus en phase avec le monde actuel...

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