C'est l'un des traits caractéristiques de la mutation sociétale en cours. Les nouvelles mobilités sont peu à peu apparues avec la généralisation du smartphone, ces mini-computers qu'on tient dans une main et qui nous fait entrer dans l'âge de l'accès à tout. Ce changement de paradigme porte plusieurs mutations simultanées :
- une généralisation de la mobilité : on est davantage mobiles. Non seulement en kilomètres parcourus, mais en mobilité virtuelle. Globalement, nous vivons une vie plus mobile;
- un changement de nature : il y a une connexion forte entre le réel et le virtuel (billeterie par internet...). La mobilité devient mode de vie, et non plus seulement un instrument pour aller quelque part ;
- une mobilité plurielle qui nous montre que nous avons affaire à des changements assez complexes à formuler intellec-tuellement.
En définitive, on passe d’une définition instrumentale de la mobilité - au travers des transports -, à une définition sociétale de la mobilité. L’individu moderne du XXIème siècle est un 'homo mobilis', réactif, souple et connecté en permanence. Il est insaisissable et peut changer de mode de transport quand cela lui semble pertinent. Cela remet en cause toutes les conceptions figées en vigueur jusqu'ici. Car les nouvelles mobilités ne sont pas que des instruments physiques. C'est un ensemble de nouveaux services de transports, d'information et de com-munication, capables d'apporter des solutions sur mesure pour le déplacement des personnes. Ces mobilités novatrices concernent des solutions capables d'améliorer aussi bien l'utilisation des infrastructures que les offres de transports existantes. Le bouleversement est énorme et aujourd'hui, le smartphone est le dernier cri en matière de transport....
Dans le concret...
Il ne s'agit plus de nos jours de choisir entre le train ou l'auto, ni d'estimer quel est lséroport ou la gare la plus proche, mais de pointer le trajet complet avec un départ A pour se rendre à l'arrivée B. Par A et B, on entend la véritable adresse finale, jusqu'au numéro de rue du bâti-ment. Pour arriver à cela, les applications doivent calculer en temps réel le meilleur moyen pour effectuer le trajet, par tous les moyens possibles en les combinant, ce qui est nouveau. Ainsi, on peut comparer le prix du trajet par taxi avec celui d'une combinaison métro + vélo en libre service. Vous pouvez aussi louer un véhicule pour le trajet si votre portefeuille le permet. Tous les prix sont ainsi affichés sur un seul petit écran.
On se rend vite compte que pour arriver à cela, les applis doivent faire appel à des masses de données considéra-bles, et qui soient accessibles à tous, ce qu'on appelle l'open data. Cet open data fait déjà l'objet de tout un busi-ness numérique qui fait saliver les entreprises du monde entier. Il suffit de voir l'arrivée de Uber ou Lyft pour se rendre compte du nouveau business naissant. Le capitalisme est bien loin d'être mort...
Très rapidement, les transporteurs traditionnels ont senti le danger. Le risque d'être écarter de l'appli, par manque de données diffusées ou tout simplement par manque de qua-lité de service, était grand. La bataille entre les taxis et Uber est là pour nous le rappeler.
Le rail en danger
Il en est de même pour nos chemins de fer, habitués depuis 70 ans à la couverture protectrice du monopole. Á l'heure de l'internet et de l'info personnalisée, cette protection est devenue caduque. Les chemins de fer n'ont pas vu - ou voulu voir - que l'accès aux services remettait en cause un grand nombre de métiers du transport. Cette mutation sociétale a pourtant clairement fait bouger les lignes chez les opérateurs historiques. Ces derniers ont dû segmenter la clientèle et proposer des offres de transport parfois en dehors de leur métier d'origine, celui des trains. C'est ainsi que la SNCF ou la DB AG ont intégré dans leurs actifs des sociétés de location automobile dans le but d'offrir des services porte-à-porte. Le billet par internet à peine installé qu'on voit déjà apparaître le QR Code sur smartphone en guise de ticket. Sans compter l'information en temps réel qui fait qu'on prendra tel train ou bus, plutôt qu'un autre, en fonction des circonstances et des conve-nances de chacun. Pour rester visible sur une appli, le rail doit démontrer toute sa pertinence et sa flexibilité.
Toute chose a un prix, mais pas n'importe lequel
Les nouvelles mobilités, c'est aussi le concept de déplacement à prix acceptable. Le citoyen d'aujourd'hui n'accepte plus n'importe quelle facture pour se déplacer, bien que paradoxalement il soit attentif aux thèmes écologiques et à la sauvegarde de l'écosystème planétaire. Au niveau de l'accès cependant, les nouvelles mobilités ne sont pas accessibles à tous selon les mêmes modalités. Il ne s'agit pas ici de prix d'accès mais du fait que d’un côté, des populations (généralement urbaines) profitent à plein des nouvelles mobilités, tandis que de l’autre (en zone rurale), la voiture individuelle demeure leur seul véritable moyen de transport. Mais les choses évoluent.
Les nouvelles mobilités sont une lecture transversale du futur. Il ne s'agit pas d'une opposition d'un mode transport contre un autre, il s'agit de connecter les différents modes entre eux pour que chacun puisse être utiliser au moment opportun. Cela demande un exercice mental qui consiste à ne plus exploiter le train, le tram, le bus de manière isolée, mais à les intégrer dans une offre de mobilité plus large. Comme ce n'est pas la spécialisation des cheminots, ces nouvelles offres de mobilité doivent être confiées à des personnes qui connaissent le métier : loueurs de véhicules, ges-tionnaires de plateformes d'informations, entreprises de transport annexes ou concurrentes. Dorénavant, ce nouveau para-digme porte le nom de Mobility As A Service (MaaS).