Petit état des lieux des choix de chaque pays, pour un réseau > 250km/h
L'Allemagne a choisi des lignes à grande vitesse acceptant les trains classiques, à l'exception de la NBS Cologne-Francfort, dont les pentes n'acceptent que des trains à grande vitesse avec motorisation répartie, type ICE.
Premier pays du Moyen-Orient, la nouvelle ligne d'Arabie Saoudite relie Mecca à Medina via la ville de Jeddah, le long de la mer Rouge. Cette ligne à 1.435mm est exploitée à 300km/h avec des trains Talgo.
Des quatre LGV belges, deux (L2 et L4) acceptent des trains classiques jusqu'à 200km/h. Le trafic fret n'y est pas admis.
Théoriquement, les trains à grande vitesse chinois pourraient circuler sur les lignes classiques, moyennant électrification. Dans la pratique, le réseau à grande vitesse chinois est exploité en un réseau séparé comme au Japon.
Les lignes à grande vitesse coréennes sont exploitées en circuit fermé
Les lignes à grande vitesse espagnoles sont construites avec le gabarit et l'écartement standard européen. Certains trains Talgo peuvent passer du réseau classique à 1.668mm vers le réseau à grande vitesse à 1.435mm moyennant un dispositif de changement d'écartement des essieux. En revanche le matériel à grande vitesse n'est pas apte à circuler sur le réseau classique 1.668mm.
La France a fait le choix du réseau à grande vitesse spécialisé, mais tous les TGV peuvent circuler sur les voies classiques. Le trafic classique sur LGV n'est possible que la ligne nouvelle qui contourne Nîmes vers Montpellier.
Si la voie a le même écartement (1.435mm), il n'en va de même du gabarit des trains britanniques classiques, un peu plus étriqué. Dans la pratique donc, les deux lignes à grandes vitesses sont exploitées en quasi circuit fermé. Un projet de circulation de train de fret sur la HS1 est en cours, raison de la config 3
L'Italie est la première à avoir construit une ligne à grande vitesse en Europe. Elle la conceva d'emblée comme une ligne devant se substituer à l'ancienne, acceptant tous les trains, marchandises inclus. Elle est encore exploitée en courant continu 3kV sur la section Rome-Florence. Le reste du réseau à grande vitesse italien est en revanche conçu pour les seuls trains à grande vitesse.
Le Japon a conçu le premier chemin de fer à grande vitesse au monde, en 1964. Il fut d'emblée conçu pour se substituer au réseau classique qui est, là-bas, à voie étroite. La grande vitesse est donc exploitée en circuit fermé.
Les Pays-Bas ont d'emblée conçu leur ligne à grande vitesse comme un élément du trafic intérieur, devant être exploité par le Fyra. Le réseau néerlandais permet donc la circulation des trains classiques, mais pas du fret.
Taïwan dispose d'une ligne à grande vitesse de 348km comportant 12 gares, l'ensemble étant exploité en circuit fermé. La vitesse maximale est de 300km/h.
On pourrait s'étonner de ne pas voir y figurer ni la Russie, ni la Turquie, ni l'Autriche. Mais il faut constater que les lignes construites ou les vitesses pratiquées n'y dépassent pas les 250km/h maximum. La Suède rejoindrait le club de la grande vitesse si son projet au sud de Stockholm est prévu pour > 250km/h.
Et justement qu'en est-il du fameux critère de vitesse ? Quel est le minimum ?
Au milieu des années 70, la commission de prospective de l'UIC avait évaluer à 270km/h la vitesse optimale du chemin de fer. Les progrès techniques ont par la suite relevé ces valeurs et de nos jours, les lignes ferroviaires à grande vitesse sont classifiées comme suit par la l'Union européenne, si l'on s'en tient à l'annexe I de la Directive 2008/57/CE :
• catégorie I : lignes spécialement construites pour la grande vitesse, équipées pour des vitesses généralement égales ou supérieures à 250 km/h;
• catégorie II : lignes spécialement aménagées pour la grande vitesse, équipées pour des vitesses de l’ordre de 200 km/h;
• catégorie III : lignes spécialement aménagées pour la grande vitesse à caractère spécifique en raison de contraintes topographiques, de relief ou d’environnement urbain, dont la vitesse doit être adaptée cas par cas.
Cette catégorie comporte aussi les lignes d'interconnexion entre les réseaux à grande vitesse et conventionnel, les traversées de gares, les accès aux terminaux, aux dépôts, etc., qui sont parcourues à vitesse conventionnelle par du matériel roulant "grande vitesse". Dans les statistiques relatives au réseau ferroviaire à grande vitesse, Eurostat ne considère que la longueur des lignes ou des sections de lignes sur lesquelles des trains peuvent circuler à plus de 250 km/h.
L'UIC note que les définitions de la grande vitesse varient en fonction des critères retenus d’autant qu’elle correspond à une réalité très complexe. La Mission Grande Vitesse de l’UIC entend refléter cette diversité en appréhendant la GV sous ses différentes facettes : infrastructure, matériel roulant et exploitation. Sous l’angle de l’infrastructure, la définition de la Grande vitesse recouvre un ensemble de configurations. Pour l'UIC, est actuellement qualifiée de ligne GV une nouvelle ligne conçue pour permettre à des trains de circuler à des vitesses supérieures à 250 km/h sur l’ensemble du parcours ou tout au moins sur une portion significative du parcours.
Ainsi toute ligne, nouvelle ou aménagée, adaptée à des circulations jusqu’à 200 km/h, peut être considérée comme une ligne à grande vitesse dès lors qu’elle répond à des critères spécifiques tels que réduction substantielle du temps de parcours, franchissement de montagnes ou de détroits, utilisation d’une voie à écartement étroit ou encore valeur ajoutée inhérente à l’effet réseau, etc.
Dans l’optique de l’infrastructure, la grande vitesse englobera de la sorte toutes les circulations effectuées sur les lignes à grande vitesse, indépendamment du type de matériel roulant utilisé. Pour l'UIC, il peut apparaître complexe de définir le concept de "système à grande vitesse", dans la mesure où chaque gestionnaire d’infrastructure ou opérateur de train possède sa propre interprétation. Pour l’instant, il n’est pas possible d’harmoniser les conceptions défendues par les différents acteurs ferroviaires impliqués. Cela explique pourquoi il est difficile d’exploiter les statistiques relatives à la Grande vitesse et de dresser des cartes de réseaux à grande vitesse.
L'Union européenne l'a fait, mais dans une vision d'interopérabilité car l'ensemble du réseau à grande vitesse en Europe a clairement été conçu dans une optique nationale, à l'exception notable de la Belgique et des Pays-Bas.
L'originalité de la GV est de fournir des lignes dotées de pentes et rampes plus prononcées, interdisant de facto les trains lourds et lents. Ces lignes ont peu ou pas de gares intermédiaires entre deux grandes villes, ce qui exclut le trafic régional lent. Le besoin de puissance dû à la vitesse et à la nécessité de redémarrer un train au milieu d'une pente plus prononcée, font que le matériel roulant à grande vitesse est spécifique, sans être interdit de lignes classiques, car il faut bien arriver au coeur des villes. Seul le Japon a totalement isolé son concept de Shinkansen, mais c'est dû à son réseau classique qui est à voie étroite. Sur base de ces définitions, il est alors possible d'élaborer une chronologie des lignes GV inaugurées en Europe, en faisant abstraction du Shinkansen japonais de 1964...
Au final : le choix de la configuration souhaitée et de la vitesse maximale des trains sont les critères qui détermineront les quantités de travaux à effectuer et le passage à tel endroit plutôt qu'un autre. Dans la plupart des cas, on assiste alors à une hausse des critères de conception, comme l'épaisseur du ballast, la distance d'entrevoie, le diamètre des tunnels et l'isolement complet de la ligne par rapport à son environnement (clôtures, nombreux ponts, remblais,...)
Vers un réseau européen : petite chronologie
En 1985, douze administrations ferroviaires regroupées dans la CCFE (ex-Communauté des Chemins de Fer européens, aujourd'hui remplacée par la CER), ainsi que celle de Suisse et d'Autriche (pas encore membre de l'UE), commencèrent leurs travaux en vue d'élaborer une proposition conjointe de réseau européen à grande vitesse.
Le 24 janvier 1989, la CCFE remettait à Karel Van Miert, commissaire européen, un projet de 30.000 kilomètres de lignes nouvelles à construire, dont 12.300 pour fin 1995 ! À cette époque, les lignes à grandes vitesse Mannheim-Stuttgart et Hanovre-Wurzburg s'apprêtaient à entrer en service, tout comme le TGV-Atlantique, 2ème ligne en France. En Belgique, la bataille faisait rage et prenait le pays à la gorge au moment où il procédait à une forte mutation institutionnelle.
Le rapport parle déjà d'orientations que l'on connaîtra plus tard quand les législations de l'Europe s'affirmeront. Il y est en effet question de "corridors" et "d'importants ouvrages d'art à travers les Alpes", notamment "entre Innsbrück et Bolzano". Le document soulignait déjà que "ces très grandes dépenses ne pourront pas être couvertes grâce à la rentabilité des grandes liaisons". Sollicitant donc déjà que la CEE prennent en charge les financements. Il en revanche quasi certain que le catalogue remis n'était qu'une addition "coordonnée" de projets nationaux, mais c'était déjà bien d'en établir la liste. On notera qu'il s'agissait bien d'une initiative de la CCFE et non de l'UIC, car cet ancêtre de la CER regroupait uniquement les administrations ferroviaires des pays membres de la CEE, future Union européenne.
À la suite de ce document, le Conseil des Ministres des Transports de la CEE mettait en place un groupe de travail "de haut niveau". Fin 1990, ce groupe de travail présentait un premier rapport intitulé "Le réseau européen de trains à grande vitesse". Le Conseil des Ministres européen se prononçait favorablement dans la foulée sur un autre document intitulé "Schéma directeur européen de liaisons à grande vitesse".
En février 1995, un second document intitulé "Schémas directeurs et Réseau Transeuropéen" était diffusé avec un certain nombre de graphiques et de cartes. Il comprenait le résultat des études entreprises sur l'impact socio-économique du réseau de la "Communauté" (langage d'époque), sur ses avantages sur le plan de l'environnement, les complémentarités possibles entres les modes. Il s'est accompagné de l'élaboration d'un projet de directive communautaire visant à assurer l'interopérabilité du système.
Entretemps, la Commission européenne avait mis en pratique le Titre XII du Traité de Maastricht avec le Livre blanc sur la Croissance, la Compétitivité et l'Emploi, publié en mars 1994. Ce document général énonçait la réalisation de réseaux transeuropéens (parmi lesquels ceux concernant le transport, et donc le ferroviaire).
C'est donc armé de ces premières législations que l'Europe prend pied dans le dossier de la grande vitesse ferroviaire.