Les années 90 sont celles de tous les changements. La SNCB devient une SA de droit public en 1991, ce qui a des conséquences sur ses achats et sa comptabilité. La Belgique a souscrit au droit européen, signifiant que dorénavant l'appel d'offre au niveau continental s'applique à tout montant d'une certaine valeur. La réglementation des marchés publics prévoit divers mécanismes de publicité, les uns étant plus complets que les autres, avec publication via le Bulletin des Adjudications (de nos jours e-Notification) et sur le Journal officiel de l'Union européenne. N'importe quel industriel est donc en droit de répondre, et cela ne va pas être sans conséquence pour cette dernière partie du panorama de la traction SNCB.
Au niveau exploitation, le TGV est maintenant une réalité en cours de construction. Cela signifie la fin programmée des trains internationaux tractés, et leur remplacement définitif par des rames automotrices de type TGV. Le TGV débarque dès 1994 avec l'Eurostar sur Londres, quand les Thalys prennent définitivement leurs quartiers le 2 juin 1996. Les 16 et 18 aurant encore un peu de répit sur Cologne jusqu'en 2009, puis ce fût la fin des "inter"...Il est par ailleurs nécessaire de pallier au remplacement de l'important parc "à rhéostats", technologie à bout de souffle, signifiant la fin programmée des séries 15, 16, 18, 22, 23, 25, 25.5, 26 et les vénérables 28, qui ont fait une très honorable carrière. Une note au CA de la SNCB de mars 1991 prévoit l'acquisition à long terme de 300 locomotives. Côté technique, la chaîne de traction mute vers le thyristor GTO (Gate Turn-Off), mais surtout, le même document indique que la SNCB doit impérativement s'intéresser aux moteurs triphasés qui deviennent la règle sur tous le matériel de traction étudié, conçu et vendu par une industrie ferroviaire qui prend de plus en plus 'le lead' en matière technologique.
Dans les années 90, la "consolidation" de l'industrie ferroviaire - en d'autres termes sa restructuration - avait entraîné dès 1989 deux évènements majeurs. L'usine de Nivelles disparaît pour ne laisser que le seul site de Bruges à Bombardier Transportation. La même année, les ACEC sont démantelées et une partie importante du groupe est alors racheté par le groupe CGEE-Alsthom. Pour faire court, plus aucune locomotive ne sera désormais construite sur le territoire national, mais seulement des voitures, des trams et du matériel électrique. Depuis 1987, plus aucune locomotive n'avait été livrée à la SNCB. Et désormais tout choix doit se faire avec les nouvelles règles des marchés publics expliquées plus haut.
Pour 1997, la SNCB se fixe deux objectifs :
- Liaisons intérieures à 200km/h sur la future L2 Louvain-Ans avec les voitures I11 à acquérir;
- Remorque de trains de marchandises sur l'axe Athus-Meuse électrifié en 25kV monophasé, qui est le courant de mondial de référence définit par l'UIC.
Détail intéressant : les documents de 1991 de la Direction du Matériel indiquent déjà que « L'évolution technologique, ces dix dernières années, dans le domaine de la traction ferroviaire est de nature telle que la traction électrique à motorisation triphasée s'impose dans tous les pays et qu'à court terme, plus aucune locomotive à courant continu ne sera fabriquée (...) La seule locomotive bicourant existante avec une technologie répondant aux besoins de la SNCB est la locomotive proposée par l'industrie allemande pour la RENFE ». Une 252 d'ABB, munie de bogie standards 1.435mm, viendra effectivement faire des essais en Belgique. Siemens n'est plus très loin du marché belge, mais c'est pas encore pour tout de suite. Car en 1990, une Sybic d'Alsthom était aussi venue faire des tests en terre belge...
La 1316 à Ronet, le 23 juin 2012 (photo Mediarail.be)
En 2006, le moulin à rumeurs grandit de plus belle et ce n’est qu’en janvier 2007 que tout s’éclaircit avec un communiqué de presse de Siemens Transportation Systems dans lequel l'achat de 60 locomotives électriques est confirmé par la SNCB. Fin d'une saga technologique française de plus de 40 ans !
Les 120 machines des séries 18 et 19 sont basées sur le modèle Siemens multisystème Eurosprinter ES60U3 et le lot de 60 premières machines devait être livré par Siemens entre janvier 2009 et juin 2010. En 2008 l'option d'achat pour un second lot de 60 machines fût levée, portant à 120 le nombre de locomotives à fournir. Ce fût encore l'occasion d'une saga qui coûta 21,12 millions d'euros à Siemens au titre de pénalités de retard de livraison. Les toutes premières "T18" circulèrent en Belgique en juillet 2011, soit avec deux ans de retards. Les 18/19 sont des tri-tensions 1500V-3kV-25kV. Elles ne sont cependant pas admises aux Pays-Bas ni en France. Leur successeur est la gamme Vectron de Siemens.
La 1820 à La Louvière-Sud (photo Mediarail.be)
Les séries 28 et 29, bien que polycourant, n'ont plus rien à voir avec leur ancêtres de même numérotation. Il ne s'agit pas ici d'achat, mais de leasing. Le 23 novembre 2007, la SNCB faisait savoir par communiqué de presse qu'elle venait de conclure un accord avec la société de leasing anglaise Angel Trains (devenue Alpha Trains depuis le 1er janvier 2010), pour la location sur dix ans de 40 locomotives de type TRAXX (du constructeur Bombardier). Les TRAXX sont construites avec un package régional D-A-B-NL, destiné à couvrir une série de pays voisins, et pas toute l'Europe. Pour faire court, les "28" furent prévues pour prendre en charge les trains Benelux, alors qu'aurait dû être mis en service le célèbre - et fumeux - Fyra hollandais, qui accumulait un retard abyssal. Les "29" sont quant à elles packagées D-B-F (Allemagne-Belgique-France) et furent prises en leasing en 2009 par B-Technics auprès d'Alpha Trains, qui les sous-loua en propre pour les besoins de B-Logistics en France.
La 2816 d'Alpha Trains, le 29 octobre 2012 (photo Mediarail.be)