OBOR - One Belt, One Road
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Demain
OBOR, le contexte politique et géostratégique
Après des années de développement économique éclair, la croissance de la Chine s’est un peu ralentie. Pékin cherche maintenant des opportunités au-delà des frontières de la Chine pour ses investissements de commerce et de sécurité en approvisionnement énergétique, tout en renforçant la position internationale du pays. S'il y a une chose pour laquelle les dirigeants chinois excellent vraiment, c'est l'utilisation d'outils économiques pour faire avancer les intérêts géostratégiques de leur pays. 

"Belt and Road" est un projet d'infrastructure et de commerce de grande envergure visant à relier la Chine - physiquement et financièrement - à des dizaines d'économies en Asie, en Europe, en Afrique et en Océanie. Il se compose de deux parties : la "ceinture", qui reconstitue un ancien itinéraire terrestre de la route de la soie, et la "route", qui n'est pas réellement une route, mais un itinéraire traversant divers océans.  
 
Derrière le langage diplomatique politique qui parle de cette initiative, qu’est-ce qu’exactement le One Belt, One Road ? OBOR a le potentiel d'être probablement la plus grande plate-forme de collaboration régionale au monde. En janvier 2018, 71 pays (dont la Chine) participaient au projet. Cela inclut l'Inde, le Pakistan, la Pologne, la Turquie, la Nouvelle-Zélande et la Russie. Au total, ces 71 pays représentent plus de 4 milliards de personnes pour un tiers du PIB mondial. C'est quelque chose de gigantesque qui tourne le dos aux États-Unis, lesquels pratiquent d'ailleurs une politique isolationniste depuis l'élection de Donald Trump. On perçoit donc tout de suite la stratégie géopolitique que la Chine veut mener, surtout quand la Russie et l'Europe sont concernées.  
Concernant le financement de ce projet, une banque dénommée Banque asiatique d’investissement en infrastructures (AIIT) a été créée en Chine avec un capital de cent milliards de dollars. En outre, la Chine a créé un fonds de 40 milliards de dollars pour la Route de la Soie. Pékin utilise les organisations gouvernementales et non gouvernementales pour mettre en œuvre ce plan.  
 
En octobre 2013, le président Xi Jinping a présenté son plan visionnaire, où la Chine sera reliée à l'Asie centrale, à l'Asie du Sud et du Sud-Est et à l'Europe par des routes terrestres. La Chine construirait également des oléoducs le long des routes. Ceux qui connaissent un peu la géographie savent qu'une route terrestre pour rejoindre l'Europe passe soit par la Russie, soit par l'Iran et la Turquie. La première route est un choix de stabilité, en dépit du régime de Poutine. La seconde route est un choix risqué car elle traverse des régions sous embargo (Iran) et proches de zones de conflits (Irak, Syrie). À mesure que OBOR se développera, les marchés le long de ses itinéraires s'ouvriront et se diversifieront. Les obstacles au commerce disparaîtront et les environnements commerciaux deviendront plus propices aux investissements étrangers. Les entreprises occidentales offrant des services de conseil, de gestion et autres services professionnels verront la demande de leurs services augmenter, tandis que les secteurs industriels tels que les télécommunications, la finance et l’énergie auront tous besoin de la technologie et de l’expertise occidentales. Ces pages vont se concentrer plus particulièrement sur le projet ferroviaire de l'OBOR.  
Les grands centres industriels d’exportation
Si la géostratégie joue le rôle principal, deux autres arguments sont avancés pour relier la Chine à l'Europe par voie terrestre. D'abord les ports chinois aujourd'hui sont devenus des géants qui souffrent déjà d'encombrements routiers en aval. D'autre part, la Chine ne veut pas concentrer sa croissance uniquement sur la partie côtière du pays. Le contraste est aujourd'hui saisissant entre l'Est et l'Ouest, où la population reste très pauvre. Par ailleurs, les grands centres de production sont situés à l'intérieur du pays, parfois loin des côtes. Les accès encombrés aux ports augmentent le temps de transfert des marchandises et des conteneurs, parfois plus de 10 jours en Chine. Il faut ensuite compter les procédures douanières, les opérations sur le terminal et ensuite seulement l'embarquement sur navire, pour un voyage qui peut durer de 25 à 35 jours suivant les escales et la politique de 'slow steaming' (vitesse moindre des navires pour diminuer la consommation de fuel). Tout cela rend le chemin de fer plus attractif, malgré deux écartements des rails et le passage par la Russie.

La carte ci-dessous montre les principaux centres de production de la Chine :
Si nous examinons les régions d'où partent les fréquences les plus élevées des trains Chine-Europe, nous trouvons souvent d'énormes zones industrielles de haute technologie. Ces trains relient des villes comme Chongqing, Chengdu, Yiwu et Zhengzhou - les nouvelles artères du monde manufacturier chinois - avec Duisburg, Hambourg ou Rotterdam comme principales zones industrielles de destination en Europe. On trouve dans ces villes chinoises des composants électroniques et des machines lourdes de grande valeur. Ce sont des produits que les clients souhaitent obtenir rapidement à destination le plus tôt possible et qui ont de la valeur. Des marchandises qui justifient le prix plus élevé du transport ferroviaire, qui divise par deux le temps de transit entre l’usine et le consommateur.

Surnommée 'ville des ordinateurs portables', Chongqing abrite les plus grandes marques de produits électroniques et des sous-traitants mondiaux, et serait le plus grand centre de production de PC au monde. Lors de l'ouverture d'une nouvelle option ferroviaire en 2011, HP a commencé à tester la viabilité de l'expédition de produits finis par voie terrestre, 11.000 km à l'ouest, en Allemagne, au lieu de les envoyer sur la côte chinoise à 1.700 km pour les exporter par voie maritime vers l'Europe.
La ville Yiwu, le plus grand marché de produits de base au monde, est le lieu où de nombreux magasins du monde achètent leurs produits à 1 dollar, des jouets souples aux ballons, en passant par les bijoux de fantaisie. Elle compte plus de 200.000 boutiques desservant chaque jour un nombre égal de visiteurs. Sa surface de plancher équivaut à plus de 1.000 terrains de football et la rumeur dit qu'il faut prendre plus d'un an pour visiter tous les magasins.
Capitale de la province du Sichuan, Chengdu est située sur la ceinture économique du fleuve Yangtsé, lequel est un élément essentiel de la zone de libre-échange de la Chine. La ville est devenue le centre mondial de l’industrie de la RD dans le secteur des télécommunications. La zone de développement industriel de haute technologie abrite un nombre croissant de géants de l’IT, ainsi qu’un grand nombre d’entreprises logistiques.

Ces quelques exemples suffisent déjà à démontrer que la puissance de la Chine ne se limite pas à Pékin, Shangaï et Hong-Kong. Les autorités locales sont fortement impliquées dans le développement industriel.
Le projet ferroviaire
S'appuyant largement sur l'imaginaire historique de l'ancienne route de la soie qui reliait la Chine à l'Europe en passant par l'Asie centrale, OBOR envisage de créer une ceinture industrielle terrestre permettant de relier la Chine continentale à l'Europe par chemin de fer. 
 
En réalité, cette connexion ferroviaire existe depuis longtemps. La Mongolie est reliée par rail à la Russie depuis 1961, grâce à la construction du chemin de fer trans-mongol qui passe par Ulan Bator et rejoint le célèbre Transsibérien à Ulan-Ude, dans les environs du lac Baïkal. L'écartement des rails chinois est identique à celui de l'Europe, soit 1.435mm. Mais en Mongolie et en Russie, le choix a été de 1.520mm pour tout son réseau, y inclut le Transsibérien, et ce jusqu'à la frontière polonaise. Le Kazakhstan et l'Ouzbékistan, anciennes républiques soviétiques, ont aussi leur réseau ferré à l'écartement russe.  
 
Actuellement, les routes favorites passent par la Russie et la Pologne. On distincte deux itinéraires principaux comme le montre la carte ci-dessous :  
- une route via la Mongolie (en vert) 
- une route via le Kazakhstan (en rouge) 

Une troisième route mène tout au nord de la Chine. Tous ces itinéraires se rejoignent à Moscou pour continuer ensuite vers la Biélorussie puis la Pologne. L’itinéraire via l’Iran et la Turquie n’est pas à l’ordre du jour et n’est pas non plus le plus court. Selon Far East Land Bridge Ltd., le voyage en train par les deux premiers itinéraires permet d’économiser 75% de l’empreinte carbone de la route océanique, tout en ne parcourant que 11.000 km au lieu de 22.000 km. 
 
Une carte de l’UIC plus détaillée nous montre sept itinéraires possibles par chemin de fer pour rejoindre l’Europe, avec les écartements différents des voies : 
Le détail des itinéraires est donné par une étude de l'UIC : 
Itinéraires
Distance
Temps de parcours
Observations
Alashankou /
Dostyk ou Khorgos

> 10.000 km
> 14-17 jours *
> grande fiabilité, bonne infrastructure
> Capacités suffisantes, terminal à Khorgos
Manzhouli /
Zabaykalsk (RU)
> 11.000 km
> 17-18 jours *
> grande fiabilité, bonne infrastructure
> Capacités limitées à Zabaykalsk
Erenhot / Zamyn-
Uud (Mongolie)
> 10.500 km
> 18-19 jours *
> alternative à la route 2
> infrastructures pauvres en Mongolie
Suifenhe /
Vostochny (RU)
> 11.500 km
> 18-19 jours *
> grande fiabilité, bonne infrastructure
> route éventuelles vers les deux Corées
Dostyk ou Khorgos
Baku
> 12.000 km
> 19-23 jours *
> alternative vers le sud de l'Europe
> capacité limitée, 2 services ferry obligatoires
Khorgos-Tashkent
Téhéran / Turquie
> 12.500 km
> non opéré *
> route en développement, 
> infrastructure pauvre, capacité limitée
> 13.500 km
> non opéré *
Téhéran-Baku-
Moscou / Turquie
> adapté à un itinéraire Inde - Europe
> infrastructure pauvre, route en développement
*  Temps de parcours au moment de l'étude (2012). Susceptibles d'améliorations au fil du temps.
Quelles marchandises adaptées à l'OBOR ?
Le train de la nouvelle route de la soie, plus rapide que le transport maritime et moins cher que le transport aérien, convient particulièrement aux clients qui ont des marchandises urgentes, telles que des marchandises destinées à être vendues dans le cadre de promotions spéciales dans l'industrie du vêtement ou des biens à forte intensité de capital, tels que des pièces automobiles ou de l’électronique. Les coûts excédentaires du transport ferroviaire par rapport aux routes maritimes peuvent être compensés par la réduction des coûts d’inventaire et les livraisons dans les délais. En moyenne, le trajet entre la Chine et l'Europe sur la Nouvelle route de la soie est d'environ 14 à 18 jours pour les trains blocs et de 18 à 21 jours pour les envois par conteneur en trafic diffus. 
 
Après avoir délocalisé une grande partie de leur production de la côte Shenzhen à l'intérieur des terres de Chongqing, Hewlett-Packard s'est retrouvé dans une énigme logistique : devait-elle expédier ses produits 1.700km vers l'est à travers la Chine jusqu'à la côte, juste pour les expédier à nouveau en Europe ? Fallait-il les envoyer par coûteux fret aérien ? Ou fallait-il proposer une nouvelle solution ? Avec la nouvelle route de la soie, HP peut empiler ses ordinateurs dans des conteneurs qui sont ensuite chargés dans un train et envoyés directement vers l'ouest. Les conteneurs sont échangés dans les terminaux intérieurs de Khorgos (Kazakhstan) et de Małaszewicze (Pologne) pour interconnecter les systèmes ferroviaires de la Chine, de la Russie et de l'Europe occidentale. 
Par rapport au fret maritime, le processus d’expédition des ordinateurs est considérablement réduit, ce qui augmente le débit, réduit le financement du stock et libère ainsi de l’argent pour HP. En conséquence, le coût total des opérations est impacté positivement, ce qui explique pourquoi des entreprises telles que HP se sont tournées vers le rail. Les marchandises arrivant en Europe par la voie maritime mettent donc relativement longtemps à arriver à destination entre 25 et 45 jours. En revanche, un train de Chongqing (Chine) à Duisburg (Allemagne) peut livrer les mêmes marchandises en 14 jours - la moitié du temps requis. 
Le climat, un défi 
Il ne s’agit pas ici du sujet mondialement commenté concernant le réchauffement climatique, mais bien des conditions extrêmes qui sévissent sur le Transsibérien et au Kazakhstan. Les produits acheminés par train le long de ces itinéraires sont sensibles à la température, tels que l’électronique ou des machines sophistiquées. Tout le monde sait qu'il n'est pas indiqué d'expédier des ordinateurs lorsque qu'il fait - 40°C. La route de la Soie détient alors une particularité : transporter les smartphones, tablettes et marchandises IT en... conteneur réfrigéré ! Pour cela, un autre problème apparaissait : comment maintenir le moteur réfrigérant durant toute la durée du trajet, sachant qu'il n'y a pas de prises électriques d'appoint sur les wagons ? Une solution de type thermostat a été trouvée par la firme néerlandaise Unit45, sur laquelle nous reviendrons plus en détail. 
Le train direct Chine - Europe n'existe pas !
Il est impératif de rappeler quelques évidences techniques que les médias traditionnels occultent : il n'y a pas de trains directs entre la Chine et l'Europe, mais une chaîne de trois services de trains bien distincts, qu'il faut donc coordonner. Au niveau opérationnel, nous avons au total cinq étapes :
- Le parcours chinois. Vers l'Ouest, les lignes ne sont pas électrifiées et ce sont donc de grosses locomotives diesel qui prennent en charge le trafic, ce qui n'est pas un bon argument pour le bilan carbone malgré des trains de 40 à 50 conteneurs. Les voies sont à écartement 1.435mm. Quelques voies arrivent avec cet écartement sous les portiques à conteneurs aux points frontière, pour le transbordement. 
- 1er transbordement aux frontières. Entre la Chine et la Mongolie, le Kazakhstan ou la Russie, l'écartement des rails passe de 1.435 à 1.520mm. Vu la facilité de transbordement du conteneur, il est préférable de le démé-nager sur une rame au bon écartement. L'autre argument est la propriété des wagons. Ni les russes ni les chinois ne veulent les échanger, beaucoup appartenant à des sociétés privées. Ci-contre le nouveau terminal de Khorgos au Kazakhstan pour l'échange Chine / Russie
- Le parcours russe, kazakh et mongol s'effectue sur des voies avec écartement de 1.520mm. Vu qu'on ne change pas les bogies, vu la facilité de transbordement des conteneurs, on les fait changer de trains. Il n'y a donc jamais de wagons chinois sur le sol russe ou kazakh, et les chemins de fer respectifs utilisent leur propre matériel roulant, RZD ou KTZ. Le parcours se fait sur ligne non-électrifiée, à l'exception de l'approche de Moscou et du transsibérien, électrifié en 25kV ou 3kV selon les sections. Ce sera comme cela à travers la Biélorussie, jusqu'à la frontière polonaise, avec plusieurs locomotives différentes. 
- 2ème transbordement, après la traversée de toute la Russie et de la Biélorussie (ou de l'Ukraine). Il est effectué à Małaszewicze en Pologne, qui devient de plus en plus encombré, et dont le terminal est géré par PKP Cargo. La voie russe 1.520mm est présente au côté des voies à écar-tement européen, 1.435mm. Ici aussi, les propriétaires préfèrent que leurs wagons demeurent sur leur réseau res-pectif, raison de ce transbordement.
- Le parcours européen. Il débute à Malaszewicze, en Pologne, après un second transbordement des conteneurs sur wagons européens. Pour cette troisième partie du voyage, il est fait appel à une variété d'opérateurs, qu'ils soient privés ou de service public. Le parcours se termine proche des terminaux, où une locomotive diesel effectue le dernier kilomètre pour arriver réellement sous les portiques conteneurs. 

Conclusion : aucunes locomotives ni wagons chinois n'arrivent sur le sol européen...
Qui s'occupe de l'organisation du transport ?
Il y a un grand nombre de sociétés fournissant des offres de transports entre la Chine et l'Europe, et inversement. Mais il s'agit de sous-traitants, comme par exemple le néerlandais New Silk Way Logistics. Il faut par ailleurs faire une distinction entre le choix du tractionnaire, du propriétaire des wagons et du propriétaire des conteneurs. Pour des raisons de sécurité des marchandises, notamment les vols, les conteneurs robustes de type maritime sont les seules unités de transport intermodales proposées. À titre d'information, voici quelques entreprises proposant les services sur la Chine : 

- Far East Land Bridge Ltd. est un transporteur public et assure le transport de conteneurs via le réseau ferroviaire européen, transsibérien et chinois. La société a été fondée en 2007 et est basée à Vienne, en Autriche, avec des bureaux à Chypre, en Allemagne, en Italie, en Russie et en Chine. Au 30 septembre 2014, Far East Land Bridge Ltd. était une filiale de JSC Russian Railways Logistics. 
 
- Trans Eurasia Logistics GmbH (TEL) est une entreprise commune créée en mars 2008 par DB Mobility Logistics (40%), Rossijskije Schelesnyje Dorogi (chemins de fer russes RŽD, 30%), TransContainer (20%) et Kombiverkehr (10%). 
 
- YXE International Container Train opère régulièrement entre Yiwu et Duisburg depuis 2014 et sa nouvelle succursale, Yixinou International Freight GmbH, constitue un point de contact pour les entreprises de logistique installées à Duisburg et pour d'autres industries locales. 

À ceux-là s'ajoute une quantité d'acteurs ayant des liens avec des organisations chinoises locales de chaque province.
Tarifs et documents
Une difficulté majeure concerne la paperasserie, tout particulièrement sur de telles destinations. Une mauvaise rédaction peut bloquer un conteneur sur les points de transbordement et allonger les temps de parcours. Concrètement, les bases contractuelles d’un transport ferroviaire international sont couvertes par les « Règles uniformes concernant le contrat de transport international ferroviaire des marchandises » (CIM). Tout transport ferroviaire doit être couvert par une lettre de voiture uniformisée. Ce document s’applique dans la juridiction zone couverte par la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF). Cela inclut depuis des années l’Europe, le Maghreb et le Moyen-Orient, mais pas la Chine. Récemment, les exigences fonctionnelles et techniques de cette lettre ont été finalisées en janvier 2017 avec la création de Raildata, une plate-forme informatique qui n’est utilisé pour le moment que pour le flux d’informations entre entreprises. Des améliorations notables seraient en cours de finalisation pour le passage à Khorgos ou ailleurs.

Le poids facturé d'un conteneur chargé approximativement de 9,6 tonnes sur un train, coûte environ 8.000 dollars contre 3.000 dollars pour le fret maritime. Pour le fret aérien, les frais s'élèveraient à 30.000 dollars pour un même chargement. On peut donc dire que le transport ferroviaire est entre les deux : offrir une réduction des prix du service de fret aérien tout en réduisant le temps de transport depuis la voie maritime. 

Le trafic des trains
Selon la China Railway Corporation, 2.497 trains de fret ont roulé au cours des six premiers mois de 2018, en hausse de 69% par rapport à l'année précédente, et la croissance devrait atteindre près de 5.000 trains d'ici la fin de l'année.
Au printemps 2014, ce tout premier train Chongqing - Duisbourg. La locomotive diesel indique que plus loin, s'arrête l'électrification. Les conteneurs ont été chargés dans de simples tombereaux à bogies, jusqu'à la frontière sino-kazakhe (photo cn.news)
En mai 2018, il apparaissait que les points frontières sino-kazakhe de Alashankou et polonais de Malaszewicze étaient conges-tionnés. Les conteneurs à échanger peuvent parfois être immobilisés pendant trois à quatre jours pour les procédures douanières ou pour trouver de la place aux trains correspondants à la suite du parcours. Il fallait donc trouver d'autres sorties de la Russie. Ce fût le cas notamment de Dzerzhinskaya-Novaya Kalinin-gradskaya, un terminal au sud de Kaliningrad, une enclave russe dotée de l'écartement russe avec une ligne à écartement standard européen. Au printemps 2018, la presse spécialisée montrait le changement simultané de deux trains : un Duisburg-Chongking et Chongking-Duisburg s'échan-geaient leurs conteneurs respectifs directement. La capa-cité est cependant limitée (photo ci-contre).
Alashankou, à la frontière sino-kazakhe 
Le terminal au sud de Kaliningrad, enclave russe au nord de la Pologne. Une porte possible sur la route de la soie mais des limites en capacité.
De l'autre côté de la Russie, une alternative sur la route du Kazakhstan est de passer par un deuxième point frontière, le passage frontalier de Khorgos, près de la ville chinoise de Khorgas. Un chemin de fer de 293 kilomètres a été achevé du poste-frontière de Khorgos au terminal de Zhetygen au Kazakhstan, fin 2011, et les voies des côtés chinois et kazakh des frontières ont été connectées un an plus tard. Aujourd'hui, plus de cinquante trains traversent déjà la frontière de Khorgos chaque mois. La vitesse de développement à Khorgos a été phénoménale. Il s'agit d'un site émergent situé à l’est du désert de Saryesik-Atyrau, à la frontière du Kazakhstan et de la Chine. Il est constitué d'une zone de libre-échange transfrontalière, d'un port sec, d'une zone économique spéciale de 450 hectares et d'une nouvelle ville. Des sociétés telles que HP et Foxconn tirent parti de cette route pour transporter leurs produits de grande valeur plus rapidement vers l’Europe, en utilisant les multiples trains qui partent maintenant tous les jours pour Khorgos. De là, le voyage se poursuit sur des wagons à l'écartement russe de 1.520mm jusqu'à Malaszewicze, à la frontière polonaise.
Duisbourg, premier port fluvial européen...chinois !
Chaque semaine, environ 25 trains chinois passent par le terminal ferroviaire de Duisbourg, en Allemagne, chargé de biens de consommation provenant de villes comme le centre d'électronique de Chongqing ou Yiwu, où sont fabriquées environ deux tiers des décorations de Noël du monde. La ville abrite le plus grand port intérieur au monde, avec 80% des trains en provenance de Chine faisant désormais leur première escale à Duisbourg. En 2013, seulement 3 trains de conteneurs par semaine faisaient la liaison entre Chongqing et la plaque tournante logistique européenne de Duisburg.

La connexion avec la Chine a véritablement débuté en 2011, Hewlett Packard ayant commandé un service permettant de transférer ses ordinateurs portables de Chongqing vers l'Europe. Les trains viennent aussi de Yiwu, le bazar mondial des produits chinois bas de gamme. Mais il fallait aussi ne pas envoyer des trains vides vers la Chine. Au retour, les conteneurs chinois se remplissent de voitures allemandes de luxe, de whisky écossais, de vins français et de textiles Milan à destination du marché chinois. 
 
Les problèmes de congestion rencontrés en Pologne pourraient guider les transitaires vers d'autres points de transbordement, comme ces liaisons récentes avec la Finlande, les pays baltes ou plus bas, en Slovaquie via l'Ukraine. Il devrait alors y avoir d'autres Duisbourg en Europe. Pour le moment, le port fluvial allemand conserve son avance grâce à son implantation au milieu de l'Europe, dans l'une des zones les plus riches du monde. 
Tout le monde veut son train chinois
Ces dernières années, on ne comptait plus les annonces de « premier train chinois arrivant à...». Une course dont doivent se régaler les chinois eux-mêmes, probablement surpris par l'ampleur de l'OBOR en terres européennes. Petit florilège.
Chengdu-Tilburg (NL), un classique... (photo Rob Dammers via flickr)
Yiwu-Madrid, avec un troisème écartement... (photo Shangaï Daily)
Dans l'autre sens, ce Londres-Yiwu... (photo News CN)
Pour changer d'origine : un Tangshan-Anvers... (photo News CN)
Les ports et les corridors RTE-T
Si la partie ferroviaire de l'OBOR est la ceinture (Belt), la partie maritime est la route (Road). Contrairement à ce qu'on pourrait penser, parler des ports de l'OBOR en Europe revient finalement à parler des chemins de fer. Les Chinois portent un grand intérêt à la mer Méditerranée et à Suez car cela leurs permet d'éviter la côte est des États-Unis et le canal de Panama. Il ne s’agit pas uniquement d’investissements dans les transports, il convient également de considérer le contexte géopolitique et les objectifs stratégiques. 
 
Les deux ports européens sur lesquels se concentrent les autorités chinoises sont Le Pirée (Athènes), où l'opérateur de terminal chinois Cosco Pacific a maintenant la concession pour gérer les opérations de conteneur, et plus curieusement Venise (au lieu de Trieste).
Venise est considéré comme important par ses bonnes liaisons ferroviaires avec l'Europe du Nord et d'une proximité avec les parcs logistiques du nord de l’Italie. À Venise, les chinois envisagent de développer un terminal à conteneurs offshore d'un milliard d'euros conçu par Royal Haskoning. Les Chinois ont déclaré qu'ils en financeraient 750 millions d'euros si le gouvernement italien finançait les 25% restants.
Plus question d'abîmer Venise. La nouvelle installation imaginée par les chinois sera complètement en dehors de la lagune, en eau profonde. Une liaison par barge assurera le transfert à terre...
Il faut cependant bien garder à l'esprit qu’un grand nombre d'opérateurs de terminaux chinois agissent comme une branche du gouvernement chinois. Il s'agit donc vraiment d'un cas de géopolitique agissant de concert avec les chaînes d'approvisionnement. Avec cette stratégie sur deux ports européens, la question est de savoir comment ces investissements s'alignent sur le programme RTE-T de l'UE. Les politiques de l'UE sont principalement internes, visant à relier les réseaux de transport du continent, alors que pour les Chinois, il s'agit de points d'entrée sur un marché plus large. On mesure ici les conséquences sur le trafic ferroviaire et le grand intérêt des quatre tunnels ferroviaires prévus sous les Alpes, dont deux sont déjà en service en Suisse.
L'OBOR et son déficit commercial
Jusqu’à présent, la Route de la soie a suscité beaucoup de publicité et de curiosité, mais le dossier commercial n’est pas encore mature. Certains experts craignent de plus en plus que la nouvelle Route de la Soie devienne une passerelle à sens unique pour submerger l’Europe de produits fabriqués en Chine. Transporter suffisamment de marchandises vers la Chine est un problème persistant, qui est très bien connu dans le secteur maritime, qui transporte de nombreux conteneurs vides sur ses navires à destination de la Chine. Avant 2012, le rail transportait quatre fois plus de marchandises chinoises vers l’Europe qu’en sens inverse. Depuis lors, ce déficit a été réduit à 2 contre 1, alors que des biens de consommation de grande valeur comme les vins français, le whisky écossais et les textiles italiens se dirigent vers l’est pour rassasier la classe moyenne en plein essor en Chine. Mais cela reste insuffisant. 
 
Le commerce ne doit pas être un flux à sens unique, et pour que la liaison ferroviaire ait un sens commercial, elle doit fonctionner dans les deux sens. Cela nécessite que les industriels et les responsables européens accentuent leurs positions et leurs exportations. Le concept OBOR n'a pas fini de faire parler de lui...