La voie ferrée, élément clé du transport ferré, est aussi un domaine méconnu et souvent sous-estimé. C'est pourtant cette voie ferrée qui permet de nos jours de rouler à 360km/h en vitesse commerciale. La voie ferrée n'a pas vraiment changé en près de 200 ans si ce n'est d'accepter davantage de tonnage et de trafic. Elle comporte un certain nombre de sous-systèmes distincts :
Frédéric de Kemmeter
Train & signalisation - Obser-vateur ferroviaire depuis plus de 30 ans. Comment le chemin de fer évolue-t-il ? Ouvrons les yeux sur des réalités complexes de manière transversale
- fabrication du rail d'acier
- soudure des rails
- usure et résistance
- traverses en bois
- traverses en béton
- les fixations
- fonctions du ballast
- granulométrie
- la voie sans ballast
- les aiguillages
- les traversées jonction
- les passages à niveau
Petite histoire de la voie ferrée
L'histoire du rail peut remonter bien loin. Nous empruntons ces quelques lignes à l'excellente Revue d'histoire des chemins de fer, où Clive Lamming nous raconte que les Carthaginois ont utilisé des systèmes de plans de roulement en bois pour le déplacement et la mise en place de leurs machines de guerre. Les Romains ont utilisé le principe du véhicule guidé sur leur célèbre système de voies partout où la sécurité l’exigeait. Le Moyen Âge et la Renaissance ne perdent pas l’usage du système à ornières, mais cela reste encore sous la forme de rails en bois. Un ouvrage de 1556 décrit un système de wagonnets circulant sur des rails en bois et guidés par des ergots. Très répandu dans les mines d’Allemagne ou des Flandres, ce système montre surtout une usure naturelle des roues en bois sur les rails.
Le rail de William Jessop était à l'origine en fonte et mesurait en général moins d'1 mètre de longueur. Il ne permettait que des vitesses très faibles et se brisait très facilement. Ce rail avait pour particularité de présenter une forme de poisson et était posé sur des plots en pierre.
En 1820, John Birkinshaw dépose un brevet pour la création des premiers rails en fer forgé de 15 pieds, soit environ 4,5 m, qui se révélaient être beaucoup plus résistant à la charge de déplacement d'une locomotive seule et d'un convoi entier. Les rails en fer forgé de Birkinshaw ont été repris par George Stephenson en 1821 pour son projet de ligne entre Stockton et Darlington. En 1830, l'américain Robert Stevens introduit le rail à patin, une technologie qui sera reprise en Angleterre par l'ingénieur Charles Blacker Vignole. Ce rail en fer se compose d'un champignon supérieur, très résistant, et d'un patin inférieur qui permet de le fixer sur une surface plane, en l'occurence une traverse.
Mais deux rails ne suffiraient pas au guidage s'il n'y avait pas des roues munies de boudins, empêchant les wagons de dévier et de sortir de la voie. Clive Lamming cite un ouvrage de 1734 qui décrit des wagons de grande dimension munis de roues en fer à boudin de guidage, mais roulant encore sur des rails en bois.
Coupe d'un rail Vignole U33 (photo Micke60 via licence wikipedia)
Le poids au mètre du rail Vignole évolue. En 1835, les rails pesaient 20kg au mètre, puis à 25kg vers 1838 et jusqu'à 38kg dix ans plus tard.
C'est vers 1860 que les rails en acier commencent à apparaître, toujours de type à patin. Ces rails sont fabriqués au convertisseur Bessemer jusqu'à la fin du XIXème siècle, époque où le procédé Thomas pris le relais. Le rail d'acier possède un taux de carbone moyen, de l'ordre de 0,6 % à 0,8 %, mais un taux de manganèse et de silicium importants, de 0,7 % à 1,2 % et de 0,1 % à 0,6 % respectivement, qui le rend dur et lui permet de supporter des contraintes élevées, principale caractéristique du chemin de fer. Les rails étant des produits métalliques massifs, ils doivent être exempts d'hydrogène.
En Belgique le rail de 40kg par mètre sur barre de près de 18m apparaît juste avant le début du XXème siècle. L'évolution de la charge par essieux a abouti à l'actuel rail UIC de 60kg/mètre, pratiquement devenu un standard. Il existe cependant un rail de 71kg/mètre pour les charges très lourdes.
Aujourd'hui, les rails ne sont plus clipsés comme jadis, provoquant le poétique 'tac-tac' qu'on entendait tout au long du voyage. Les longs rails soudés (LRS) le sont dorénavant par aluminothermie, un procédé datant déjà de 1894 ! Cela permet une bonne continuité dans les circuits de voie et le retour du courant de traction. Le bon rail permet de nos jours de rouler quotidiennement à haute fréquence ou à très grande vitesse, preuve que Charles Blacker Vignole avait vu juste il y a presque deux siècles...
Les mines de Coalbrookdale auraient utilisé pour la première fois des rails en fonte de 1,80 m, dont 800 tonnes furent posés. En 1789, l’anglais Jessop invente le rail moderne ou « edge rail » entièrement métallique avec roue à boudin de guidage. Mais certains historiens démontrent que Jessop ne fait que réinventer le concept déjà en vigueur dans les mines allemandes et sur le chemin de fer de Bath en 1734. En tout état de cause, on obtiendrait là l’apparition du système de roulement qui caractérise les chemins de fer modernes, et qui est toujours d'actualité.